Est-ce que Bordeaux est en Gascogne ?
La question de l’appartenance de Bordeaux à la Gascogne suscite régulièrement des interrogations, tant auprès des touristes que des habitants de la région. Cette confusion s’explique par la proximité géographique et les liens historiques étroits entre la capitale girondine et les terres gasconnes. Pourtant, lorsqu’on examine attentivement les frontières historiques et les appartenances territoriales, la réponse s’avère plus nuancée qu’il n’y paraît au premier abord.
Une appartenance historique distincte
Pas tout à fait ! L’histoire territoriale de la France d’avant la Révolution révèle des délimitations parfois surprenantes pour nos esprits contemporains habitués aux frontières administratives actuelles. Les recherches historiques montrent clairement que Bordeaux n’était pas considérée comme faisant pleinement partie de la Gascogne historique. Cette distinction, bien établie dans les archives et cartographies anciennes, témoigne de la complexité des découpages territoriaux qui prévalaient sous l’Ancien Régime.

Les chroniques médiévales et les actes administratifs distinguaient nettement la cité bordelaise des terres proprement gasconnes. Les territoires situés au sud et à l’est de Bordeaux présentaient certainement des caractéristiques culturelles et linguistiques gasconnes, mais la ville elle-même cultivait une identité propre. Cette singularité bordelaise s’explique notamment par l’histoire particulière de la cité, marquée par des influences diverses et une tradition d’ouverture qui la distinguait des territoires voisins.
Bordeaux, joyau de la Guyenne
Bordeaux était la capitale d’une autre région historique appelée la Guyenne. Cette province, dont le nom dérive d’Aquitaine, constituait une entité territoriale majeure du sud-ouest français avant la Révolution. La prestigieuse cité portuaire y exerçait un rayonnement considérable, s’affirmant comme centre administratif, judiciaire et commercial. Le Parlement de Bordeaux, établi au XVe siècle, témoignait de cette prépondérance, étendant son autorité judiciaire sur un vaste territoire incluant une grande partie du sud-ouest.
L’architecture caractéristique de Bordeaux, avec ses façades en pierre blonde et son urbanisme classique, reflète cette appartenance à la Guyenne plutôt qu’à la Gascogne. Les hôtels particuliers du XVIIIe siècle, le Grand Théâtre ou les quais majestueux symbolisent cette spécificité bordelaise qui s’est développée au fil des siècles. Les traditions locales, les coutumes et même la gastronomie bordelaise portaient l’empreinte de cette identité guiennaise distincte des pratiques gasconnes voisines.

La frontière gasconne aux portes de Bordeaux
Cependant, le sud de l’actuelle Gironde, donc au sud de Bordeaux, faisait partie de la Gascogne. Les régions du Bazadais, avec la ville historique de Bazas comme centre, appartenaient pleinement au domaine gascon. De même, le secteur méridional du Bordelais présentait des caractéristiques culturelles et linguistiques qui le rattachaient sans ambiguïté à la Gascogne historique. Cette proximité immédiate explique les influences réciproques et les échanges constants entre Bordeaux et les terres gasconnes environnantes.
Les dialectes parlés illustraient parfaitement cette transition progressive: tandis que le gascon dominait dans les campagnes au sud de Bordeaux, la ville elle-même utilisait principalement un dialecte occitan plus proche du languedocien. Cette frontière linguistique, bien que perméable, reflétait des appartenances historiques distinctes. Les noms de lieux, les patronymes et certaines expressions locales conservent encore aujourd’hui la trace de cette géographie linguistique complexe qui place Bordeaux à la limite septentrionale de l’influence gasconne.
Une métropole maritime tournée vers le monde
Bordeaux était surtout tournée vers l’Atlantique et vers son rôle commercial important, notamment pendant la période anglaise. Lorsque le duché d’Aquitaine passa sous domination anglaise au XIIe siècle suite au mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, Bordeaux devint une plaque tournante du commerce maritime entre l’Angleterre et le continent. Cette orientation atlantique façonna profondément l’identité bordelaise, la distinguant des territoires gascons davantage tournés vers leur arrière-pays.
Le commerce florissant des vins vers l’Angleterre, puis plus tard les échanges avec les colonies, renforcèrent cette vocation maritime et internationale de Bordeaux. Les négociants flamands, britanniques ou hanséatiques qui s’établirent dans la ville contribuèrent à lui donner un caractère cosmopolite étranger à la Gascogne rurale. Les quartiers historiques des Chartrons, avec leurs élégants entrepôts et maisons de négociants, témoignent encore aujourd’hui de cette histoire commerciale qui a forgé l’âme bordelaise bien loin des préoccupations des terres gasconnes intérieures.

En résumé, Bordeaux est voisine de la Gascogne, elle partageait certaines influences avec cette région historique, mais elle appartenait historiquement à la Guyenne, pas à la Gascogne. Cette nuance permet de mieux comprendre l’identité complexe de la métropole girondine, à la croisée de différentes influences culturelles et historiques. Aujourd’hui encore, malgré les évolutions administratives modernes qui ont effacé ces anciennes distinctions, l’esprit bordelais conserve cette singularité qui le différencie subtilement du tempérament gascon, tout en entretenant avec lui des liens de proximité indéniables.